Sunday, September 03, 2006



Une noblesse réinstalléeLouis XVI se trouvait fort démuni face à cette situation complexe. Sur les conseils de ses tantes, il prit un "mentor" en la personne du vieux comte de Maurepas (1701-1781), nommé "ministre d'État". Le roi avait un guide, mais sa politique fut d'emblée tissée de contradictions. Il renvoya le triumvirat (le duc d'Aiguillon, l'abbé Terray et le chancelier Maupeou), trop impopulaire, et néanmoins se voulut garant de l'esprit de réforme. Turgot (1727-1781), libéral, ami des philosophes, fut nommé contrôleur général des Finances, mais dans le même temps le roi rappela les parlements exilés. Alors que Louis XVI prétendait se donner les moyens de réformer son royaume, il restituait à la noblesse de robe conservatrice son prestige et son arme politique, le droit de remontrance. Maupeou, disgracié, le comprit bien en écrivant: "J'avais fait gagner au roi un procès qui durait depuis trois siècles, s'il veut le perdre encore, il est bien le maître."
L'échec de Turgot
Entre Lumières et tradition, cette politique contradictoire était dictée par le souci de popularité du jeune monarque et par ses idées d'aristocrate conformiste. Au total, le règne de Louis XVI allait être une succession de reculades face aux indispensables réformes. Turgot, le premier, souffrit des inconstances royales. Dans le domaine économique, il instaura la liberté du commerce et la libre circulation des grains (1774) dans des circonstances difficiles (guerre des Farines, 1775); il supprima les corporations au profit de la liberté d'entreprise (1776). Ayant imposé un train d'économies immédiates, il posa les bases d'une réforme fiscale en supprimant la corvée royale, qui pesait sur les seuls roturiers, et envisagea la création d'une contribution territoriale payable par tous les propriétaires (1776). Mais, face à la cabale des privilégiés offusqués à l'idée de devoir payer eux aussi des impôts, il fut renvoyé par Louis XVI (mai 1776), au désespoir d'une large fraction des partisans des Lumières.
Necker aux Finances
Le successeur de Turgot, Clugny, détruisit son œuvre pour tenter de réconcilier la monarchie et les privilégiés, sans résoudre la grave question budgétaire. Maurepas imposa alors à la direction des Finances le Genevois Necker (1732-1804). Celui-ci se rendit populaire en finançant la guerre d'Amérique (1778-1783) sans recourir à l'impôt. Mais les emprunts, à terme, alourdissaient le déficit budgétaire. Très vite, il fallut revenir aux idées de Turgot, assorties d'un projet de réforme de l'administration locale (création d'assemblées provinciales chargées de répartir l'impôt) débouchant sur une participation politique accrue de la bourgeoisie. Une nouvelle fois, les privilégiés firent bloc. Pour s'en protéger, Necker publia un Compte rendu au roi (1781) sur les finances publiques, apologie de sa gestion qui restait silencieuse sur le déficit et le financement de la guerre. L'opinion en retint surtout le montant des pensions royales aux courtisans. Indisposé et poussé par son entourage, le roi renvoya Necker (mai 1783).

Lic Juan Antonio Sabino